Rapport d’activité 2015

En 2015, alors que ONUSIDA annonce des chiffres telle qu’une réduction de 35% des nouvelles infections depuis 2000 ou une diminution de 42% des décès liés au SIDA depuis 2004, les chiffres de l’épidémie au Luxembourg sont malheureusement moins bons. 93 nouvelles entrées dans la cohorte luxembourgeoise, dont 57 patients qui n’étaient pas diagnostiqués dans un autre pays auparavant, donc des « vrais nouveaux » cas. Plus en détail, l’optimiste retiendra pour la première fois depuis des années une réduction sensible dans le groupe des hommes ayant du sexe avec des hommes (HSH), alors que le pessimiste sera choqué par le nombre de nouveaux diagnostics chez les usagers de drogue, chiffre qui dépasse encore le chiffre record de 2014. C’est un problème de taille et la parade n’est pas évidente. Pour ONUSIDA, la nouvelle devise s’appelle 90-90-90. Et ce n’est pas qu’un slogan, c’est une stratégie ambitieuse, dont l’objectif est de mettre fin au SIDA comme épidémie d’ampleur mondiale d’ici à 2030. Pour cela, 90% des personnes porteuses du virus doivent être dépistées ; 90% parmi celles qui sont testées positives doivent être mises sous traitement et enfin 90% des personnes ayant débuté un traitement doivent rester adhérentes et atteindre une charge virale indétectable. Pour cela il faudra largement appliquer le « treatment as prévention (TasP) » et le « test ans treat ». Après la France, les USA et l’ONUSIDA, la European AIDS Clinical Society recommande depuis 2015 de traiter toute personne diagnostiquée, et le comité de surveillance du SIDA recommande vivement que le Luxembourg suive cette voie. Nous avions annoncé l’arrivée imminente de la prophylaxie pré-exposition (PrEP) dans l’éditorial de 2014. Entretemps, la ministre française a donné une autorisation temporaire d’utilisation du Truvada dans cette indication et à l’occasion de la journée mondiale du SIDA 2015, elle a annoncé un remboursement possible sous des conditions bien précises et dans des centres agréés de ce médicament pour des personnes qui ne veulent ou ne peuvent pas utiliser le préservatif pour des rapports sexuels à risque. Si le Luxembourg adoptait une attitude similaire, il s’agirait d’un projet bien encadré, avec des groupes cibles bien définis et comprenant toujours le message du « safer sex / safer use », donc de l’utilisation du préservatif comme base de la prévention de la transmission sexuelle du HIV, la PrEP étant vue comme un outil additionnel. Nous espérons cependant que cet outil additionnel sera mis en place prochainement. Avec les progrès importants réalisés par les pays en développement dans l’accès aux traitements antiviraux d’une part et l’afflux important de demandeurs de protection internationale dans tous les pays d’Europe d’autre part, nous sommes confrontés de plus en plus souvent à des patients dont la demande d’asile a été refusée qui soient priés de quitter le territoire, même s’ils nécessitent des traitements médicaux lourds. Ce sont des patients qui se trouvaient souvent dans un état critique lors de leur prise en charge au Luxembourg et qui maintenant se portent bien grâce à nos traitements efficaces. Ils bénéficiaient d’un statut de tolérance pour raison médicale. Les pays européens adoptent actuellement une interprétation très restrictive de la convention européenne des droits de l’homme et il faut presque qu’une personne soit en danger de mort à court terme pour pouvoir continuer à bénéficier de ce statut de tolérance à l’éloignement. De nombreux pays européens, dont le nôtre, s’appuient désormais sur l’avis d’une base de données médicales nommée medCOI (medical country of origin information) pour juger si les traitements dont le patient a besoin sont disponibles dans son pays. MedCOI ne tient cependant pas compte de l’accessibilité géographique réelle ni de la gratuité des trithérapies, ni de l’attitude vis-à-vis des minorités comme les HSH, les usagers de drogues, ni de la stabilité politique du pays et pour certains patients cela signifie qu’ils n’auront pas la garantie d’un traitement approprié et continue et que leur état risquera de se dégrader rapidement. Le comité espère que le Luxembourg, un des pays dont l’aide au développement est parmi les plus élevées au monde, évaluera, comme par le passé, les situations médicales des personnes soumises à un statut de tolérance au cas par cas, afin que chaque personne vivant sur son territoire puisse bénéficier d’un accès aisé et ininterrompu aux traitements dont elle a besoin.

Suggested Citation

Comité de Surveillance du SIDA. (2016). Rapport d’activité 2015. Luxembourg.

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